La cérémonie d’inauguration était à la hauteur de la qualité du stade qui porte le nom de l’ancien président de la République. La fête était belle. Le temps est maintenant venu de voir comment entretenir et rentabiliser l’investissement.
Uneseule ombre au tableau : la mort d’Even Hayrchin, responsable de la sécurité du Président turc, Recep Tayyip Erdogan. Victime d’un malaise durant la cérémonie, il est décédé au cours de son évacuation d’après les médias nationaux. Hormis ce triste événement, l’inauguration du stade Abdoulaye-Wade, mardi 22 février,constituait une symphoniesans fausse note majeure.
Le spectacle, riche en sons et lumières, était réglé comme du papier à musique. La mise en scène semblait avoir pour thème «Le Sénégal qui gagne». Les couleurs nationales étaient étalées à perte de vue. Le public était en communion, dans la joie, autour d’une reproduction géante du trophée de la CAN, plantée sur le bord de la pelouse.
Un casting de rêve
Le casting était de haut niveau. Les présidents Erdogan donc, Paul Kagamé (Rwanda), George Weah (Liberia), Umoro Sissoco Embalo (Guinée-Bissau) et Adama Barro (Gambie) étaient aux côtés de leur homologue sénégalais, Macky Sall.
Les présidents de la FIFA, Gianni Infantino, et de la CAF, Patrice Motsepe, étaient aussi de la partie.Tout comme les artistes YoussouNdour, Alpha Blondy, FallyIpupa, WassisDiop, Omar Pène, Baba Maal, Viviane Chidid,IsmaïlaLô…Ainsi queles légendes sénégalaises et africaines du ballon rond : Jay Jay Okocha (Nigeria), Didier Drogba (Côte d’Ivoire), Samuel Eto’o (Cameroun),Noureddine Naybet (Maroc), Roger Mendy, El Hadji Diouf…
Ces footballeurs à la retraite ont presque tous pris de l’embonpoint, des rides et des cheveux blancs ou une calvitie. Mais ils ont tous gardé un soupçon de leur talent. Le but venu d’ailleurs de Khalilou Fadiga et les entrechats d’Okocha, également buteur, sont une preuve.
Un bijou à 156 milliards
L’infrastructure était majestueuse sous ses atours qui donnaient plus de relief à ses courbes généreuses. Les officiels ont rivalisé de déclarations enflammées pour le souligner. L’avis d’Infantino résume leurs propos enchantés : le patron du football mondial a déclaréque l’enceinte est propice à une Coupe du monde.
Le stade Abdoulaye-Wade a coûté au contribuable sénégalais156 milliards de francs CFA. C’est un plateau multifonctionnel comprenant notamment un terrain principal, deux annexes, une piste d’athlétisme et un musée baptisé Pape Bouba Diop. Il faudra en prendre grand soin. Macky Sall l’a souligné dans son discours : «Il nous reste à gagner le pari du meilleur mode de gestion et d’entretien.»
Dans ce sens, le chef de l’Etat a lancé un appel aux comités de supporters des sélections nationales. Il a été bien inspiré, les fans ont un rôle à jouer. Ils doivent préserver les installations de l’édifice en respectant scrupuleusement la notice d’utilisation.Mais il en faudra davantage pour que le stade Abdoulaye-Wade ait la même longévité que son parrain,en restant en parfaite santé.
Rien que pour garder la pelouse en bon état, il faudra être constamment aux petits soins. Il y a les opérations traditionnelles à mener : suivi de l’état sanitaire du gazon, tonte, aération, décompactage, sablage, semis, etc. Il y a les opérations complémentaires comme les analyses foliaires, de sol, d’eau, l’entretien du réseau d’arrosage… Et s’il faut pousser le bouchon plus loin comme les Anglais, champions en la matière, il conviendra de se doter d’équipements révolutionnaires comme ces tondeuses de gazon rotatives qui servent à «aspirer les déchets d’après-match, afin de mieux prévenir les maladies»(source : Gazon Sport Pro H24).
Potentiels sources de revenus
L’art de bichonner une infrastructure sportivemodernerequiert une précision de chirurgien. Il constitue un métier à part entière.D’autant que les ouvrages en questionsont devenus plus que desimples terrains de jeu. Ils garantissent confort et sécurité aux joueurs, aux spectateurs, aux officiels et aux professionnels des médias. Mais ilsconstituent en plusde potentiels sources de revenus. Dans son «Guide pour des stades de qualité», l’UEFA signale que «les stades devraient être élaborés de manière à maximiser leur potentiel commercial en intégrant une large gamme d’installations et d’utilisations».
Dans le paquet deservices auxquels l’instance européenne fait référence, il y a les abonnements pour les matches, la vente de places VIP et de packages d’hospitalité, la vente de loges d’honneur, le merchandising, les offres combinées musée et visite du stade, les packages publicité et événement d’entreprise, les événements spéciaux (concerts, conférences, etc.), la restauration, le parking. La liste n’est pas exhaustive.
«Il convient de considérer sérieusement le concept du stade comme un générateur de revenus quotidiens. Dans cette perspective, il peut s’avérer judicieux de structurer le stade comme une entité financière indépendante», suggère l’UEFA dans son Guide.
Nouveau type de manager
Dès lors, il serait également judicieux d’accorder une attention particulière au choix de la personne en charge de la gestion. L’avènement d’Abdoulaye-Wade doit sonner la fin de l’ère des directeurs de stade tel que nous les avons jusque-là connus au Sénégal. Ces fonctionnaires austères nommés par la tutelle. Qui passent l’essentiel de leur temps à signer des documents aux intitulés souvent démodés et à vérifier qui entre et qui sort.
Cette race de dirigeant a fait son temps. Elle doit laisser la place à un nouveau type de managerde stade. Des spécialistes dynamiques, ouverts et créatifs. Capables de maintenir les enceintes placées sous leur responsabilité dans des standards élevés, de les valoriser et de les rentabiliser.L’Etat peut aussi recourir à un concessionnaire comme pour l’Autoroute à péage, le TER ou l’Aéroport international Blaise Diagne.
L’objectif étant toutefois d’aller au bout de la logique du Président Macky Sall, qui a pris le parti de doter le Sénégal d’infrastructures sportives de qualité durables.