[Profil] Feue Marie Joséphine Diallo, SG de l’Assemblée nationale : Mémoire et gardienne des secrets du Parlement

La secrétaire générale de l’assemblée nationale, Marie Josephine Diallo est décédée, ce mercredi 18 mai 2022, à l’âge de 71 ans. Elle emporte dans cet ultime voyage, un pan entier de l’histoire de l’institution parlementaire où elle a servi pendant 44 longues années, dont 26 comme secrétaire générale.

Loin des querelles de clocher et autres piques à fleurets mouchetés qui rythment les plénières à l’assemblée nationale, une dame, le regard froid et figé, suit cette cacophonie avec une indifférence totale. Elle susurre de temps à autre quelques mots à l’oreille du président de l’assemblée nationale, sans aucune autre forme de manifestation d’intérêt au débat en cours. Au centre de cette foire d’empoigne, où les députés de différents bords se donnent en spectacle arrivant même, parfois, à faire sortir le président Moustapha Niasse de ses gonds, Marie Josephine Diallo, elle, garde cette neutralité suisse que requiert sa mission de secrétaire générale de l’assemblée nationale.

A l’hémicycle, elle est la seule à n’avoir jamais pris la parole alors qu’elle en sait plus que quiconque sur les textes, le fonctionnement de l’assemblée et le rôle de représentant du peuple, pour avoir siégé plus d’un quart de siècle, aux côtés de différents présidents de l’assemblée nationale. Nommée secrétaire générale depuis 1996, Marie Josephine a su rester la confidente la plus sûre et la conseillère la plus avisée pour les différents locataires du perchoir qu’elle a vu défiler sous ses yeux. De Cheikh Abdoul Khadre Cissokho à Moustapha Niasse en passant par Youssou Diagne, Pape Diop, Macky Sall et Mamadou Seck. Sa loyauté et son sens de la rigueur n’ont jamais fait défaut.

Rôle central

Discrète et effacée, la mémoire de l’assemblée nationale comme on la surnomme, connaît les moindre coins et recoins du vieux palais de la place Soweto et en garde les secrets les plus enfouis. Ceci, grâce au rôle central qu’elle joue dans le dispositif de l’assemblée depuis plusieurs décennies. Ses fonctions lui confèrent le pouvoir de coordonner l’ensemble des activités de l’assemblée puisque tous les services sont sous sa coupe réglée. Elle est également la vigie de la bonne application des textes réglementaires et du bon fonctionnement des procédures.

Engagée à la bibliothèque de l’assemblée en 1978, son abnégation et sa maîtrise des rouages de l’administration l’ont propulsé. Ainsi, Marie Joséphine Diallo occupe, tour à tour, les postes de directrice des services législatifs, puis secrétaire générale adjointe, avant d’occuper le poste de secrétaire générale qu’elle ne quittera plus d’ailleurs. Loin de la lumière blafarde des projecteurs, elle est cette main experte qui, dans l’ombre, gère l’assemblée, sans parti-pris.

« J’imagine bien que les années passées à l’Assemblée lui ont offert une grande expérience dans le management des députés d’opinion et de sensibilités différentes. Dans la perception que je peux avoir de son activité, je puis dire qu’elle utilise efficacement sa connaissance du fonctionnement du Parlement pour bonifier ses rapports avec les députés et le personnel sous ses ordres. Je n’ai pas encore entendu un député de l’opposition se plaindre d’un déséquilibre ou d’un traitement partisan dont elle serait la source », confesse, au journal EnQuête, Cheikh Bamba Dièye à propos de celle qu’il appelle affectueusement « ma tante » pour les excellentes relations qu’elle entretenait avec son père Cheikh Abdoulaye Dièye lorsqu’il était député de 1998 en 2001.

Marie Josephine Diallo et Bruno Diatta, même destin

Son parcours à l’assemblée nationale, rappelle celui du défunt chef du protocole du palais de la République, feu Bruno Diatta. En effet, à l’instar de Bruno, elle était censée prendre sa retraite depuis 2011 mais le prédécesseur de Moustapha Niasse, Mamadou Seck avait décidé de la maintenir à son poste pour « sa compétence, sa rigueur, son sens de l’humain, sa connaissance des dossiers et des procédures ». L’actuel président de l’assemblée n’en fera pas moins puisqu’il va encore « renouveler » son contrat.

Tout comme l’ancien chef du protocole, la présidente de l’Association des secrétaires généraux des Parlements francophones (ASGPF, qu’elle préside depuis 10 ans), décédée ce mercredi 18 mai 2022, aura servi la République jusqu’à son dernier souffle.