Serigne Ousmane Dia alias Bombardier ou B52 est l’un des ténors de la lutte sénégalaise. Deux fois sacré Roi des arènes, sa carrière est tout de même entachée par des revers. En prélude à son combat contre Balla Gaye 2, ce 1er janvier 2022, Seneweb retrace l’histoire du chef de file de l’écurie Mbour, du quai de pêche aux rings du MMA.
Agé aujourd’hui de 45 ans (il est né en 1976 à Mbour), Bombardier pourrait ressembler à n’importe quel gamin à qui l’on apporte une coupe de glace au restaurant. D’un coup, son visage poupin s’éclaire, puis son regard plonge sur le dessert tant attendu avec une évidente gourmandise. Ici s’arrête la comparaison.
Car, en réalité, l’homme n’a rien d’un chérubin?: 1m98 pour plus de 150 kg. Un physique hors normes qui lui vaut l’œil admiratif des autres clients, mais surtout grâce auquel il a conquis deux fois l’un des titres les plus prisés de la lutte avec frappe?: celui de Roi des arènes.
Il compte récupérer sa couronne. Cela passe par une victoire samedi, à l’arène nationale, face à Balla Gaye 2. Tout ce que le B52 peut espérer, c’est un succès pour prétendre, une nouvelle fois, au titre de Roi, détenu actuellement par Modou Lô. Ou encore un succès pour sortir par la grande porte, lui qui est aux portes de la retraite.
Troisième garçon d’une famille nombreuse fondée par un père pêcheur à Mbour, il a grandi au milieu de frères et sœurs férus de sport, dont certains ont même pratiqué le football et le judo à un certain niveau.
De la pêche au titre de Roi des arènes
À 12 ans, le jeune Serigne n’échappe pas au destin qui lui est promis?: quitter l’école pour embarquer à bord d’une pirogue. Le natif de Mbour se forge doucement au métier, puis participe à de longues campagnes de pêche qui le mèneront plus tard en Gambie, en Guinée-Bissau et en Guinée.
Une période dure, mais riche en découvertes dont il garde notamment un souvenir bien précis. «En 1995, nous étions allés pêcher au large de Bakau, en Gambie. J’avais repéré un vieil homme au port, tout le temps assis au même endroit. Le soir, quand je rentrais, je lui donnais un poisson ou deux. Un jour, il m’a demandé de le suivre chez lui. Il m’a alors prédit que j’allais devenir célèbre au-delà des frontières du Sénégal. J’ai immédiatement pensé que je deviendrais un grand commandant de pêche. Mais je suis devenu lutteur», avait-il confié dans une de ses sorties médiatiques.
De retour de pêche ils organisaient des séances de lutte sur la berge. Et c’est dans ces moments qu’il a attrapé le virus de la lutte. Étant très colosse et très technique, il fut repéré et engagé dans les «mbapatt» (séances de lutte sans frappe organisées dans les quartiers ou dans les villages) où il faisait fureur en battant tout lutteur croisant sur son chemin. Voyant qu’il pouvait devenir champion, son manager Yery Diakhaté lui conseilla d’embrasser la lutte avec frappe. Il y a connu une ascension fulgurante en battant tous les lutteurs de sa génération. Ce qui lui a permis d’affronter Mouhamed Ndao Tyson, qui était alors le champion incontesté de l’arène sénégalaise. Il avait, de cette manière, vaincu, en moins de 11 secondes, Tyson, le 25 décembre 2002.
Une carrière en dents-de-scie
Mais après ce retentissant succès, Bombardier alterne les victoires et les contre-performances. Début 2011, il est battu par le Roi des arènes Yakhya Diop Yékini. Mais il prendra le dessus, deux années plus tard, à Bercy, en France, sur Baboye. Pour ensuite conquérir à nouveau le titre du Roi des arènes pour la deuxième fois, en battant Balla Gaye 2 avant de confirmer face à Modou Lô.
Au total, il a obtenu 18 victoires : Thiaw Thiengo (4 avril 1995), Manga 3 (13 novembre 1997), El Hadj Guer (25 décembre 1997), Alioune Sèye (13 avril 1998), Pape Cissé (16 mai 1998), Boy Kaïré (1er août 1999), Mor Nguer (18 novembre 2001), Tapha Guèye ( 29 juin 2001), Zale Lô (6 juin 2002), Tyson (25 décembre 2002), Ibou Ndappa (19 décembre 2003), Mame Ndiambane (14 mai 2005), Mbaye Samb (25 décembre 2005), Tyson (abandon, 7 janvier 2007), Thieck (5 avril 2009), Baboye (08 juin 2013), Balla Gaye 2 (8 juin 2014), Modou Lô (25 juillet 2015).
Il a aussi concédé 8 défaites : Tyson 2 (19 juillet 1998), Yékini (29 octobre 2000, décision arbitrale), Yékini (28 mars 2004), Baboye (16 avril 2006), Gris Bordeaux (22 juillet 2007), Yékini (2 janvier 2011), Tapha Tine (24 juin 2012) et Eumeu Sène (28 juin 2018).
Joie et déception en MMA
A l’image de beaucoup d’autres lutteurs comme Reug-Reug, Bombardier a aussi fait une incursion en MMA, (Mixed Martial Arts, ou arts martiaux mixtes) dont la pratique est une interaction de plusieurs sports de combat comme la boxe anglaise, le muay thaï, le kick-boxing, la lutte, le jiu-jitsu brésilien, le karaté, le judo et le grappling, alliant les techniques de projection et de soumission.
D’ailleurs, après son combat avorté en 2015 contre Rocky Balboa, un lutteur suisse d’origine sénégalaise, le B52 va faire son baptême du feu en MMA, trois années plus tard, avec le même adversaire. Un combat qu’il remporte au premier round.
Mais tout comme dans la lutte sénégalaise, il ne réussira pas à enchaîner. Il sera surpris, le 23 octobre 2021. Cette soirée-là, le géant de Mbour tombe sur le «Rock» et indéboulonnable Polonais Mariusz Pudzianowski, qui signa sur lui son 11e KO dans cette discipline. La vidéo est vite devenue virale. Bombardier finira par reprendre ses esprits après l’intervention du service médical.
«Ne mets plus tes pieds au MMA. Affronter des géants, c’est assimilable à un suicide», lui conseilla Gaston Mbengue, le promoteur du combat de ce samedi 1er janvier 2022 contre Balla Gaye 2.Confirmation sur BG2 ?
Toutefois, cette défaite, Bombardier dit l’avoir prise avec sportivité. A ses yeux, cela ne change rien de sa carrière dans la lutte, ce «sport de chez nous». Car cette discipline, Serigne Ousmane Dia s’y plie sans rechigner. Sa notoriété, qui vire à l’adulation dans sa région natale, ne semble pas le perturber, outre mesure.
Entre deux levées de fonte, il pose volontiers face à l’objectif ou échange quelques plaisanteries avec les membres de son premier cercle. Parmi eux, figurent Pape Dia, son défunt grand frère et manager, mais aussi différents entraîneurs dont le principal, Mbaye Boye, est un ami d’enfance.
D’après certaines indiscrétions, il commence ses journées à 6 h, par une heure de course à pied sur la plage. Il enchaîne avec deux heures de musculation, puis termine par deux à trois heures d’entraînement de lutte avant la tombée de la nuit. Le tout encadré par une hygiène de vie stricte, sans alcool, ni tabac, même s’il a du mal à résister à un bon «soupou kandja» (ragoût aux gombos et à l’huile de palme).
Il promet l’enfer à son adversaire Balla Gaye 2, qui compte prendre sa revanche. Ce, en guise de cadeau de Nouvel An à ses nombreux fans, notamment sur la Petite Côte et à l’intérieur du pays.