Pour les jeunes Sénégalais sans emploi, « il ne suffit plus d’avoir un diplôme »

Au Sénégal, l’approche des élections territoriales est marquée par des promesses d’emploi pour les jeunes qui se plaignent de cette mauvaise pratique qui les oblige à se morfondre dans des métiers qui ne collent pas souvent avec leur profil et surtout leur niveau d’études.
DAKAR — 16,7%, c’est le taux de chômage enregistré par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie au dernier semestre de 2020. Une situation que les jeunes comme Djibril ressentent fortement.

« Je fais partie des jeunes qui chôment et depuis les affrontements du mois de mars, on a tous entendu le président de la république faire des promesses d’emploi pour les jeunes et jusqu’à présent l’évolution est lente », se plaint-il.

Djibril explique que beaucoup d’entre eux sont « découragés parce que des promesses en en plus finir commencent à être un rituel à la limite de la décence. En tout cas, c’est difficile en tant que jeunes de ne même plus savoir que faire où même ni quelle direction prendre. C’est vraiment difficile ».

Cette situation difficile touche tous les profils. Elle est accentuée par le clientélisme qui entoure les recrutements. C’est du moins l’avis de Ngagne Diop, sans emploi comme plusieurs jeunes diplômés de son quartier.
Un agent du train express régional (TER) passe devant un train stationné au service de maintenance et de stockage de Colobane, à Dakar, au Sénégal, le 22 décembre 2021.

« Il fut un temps où on disait que les jeunes ne voulaient pas travailler mais maintenant c’est révolu car les jeunes savent qu’il n’y a pas de sot métier », explique-t-il. Cependant Ngagne regrette que la volonté des jeunes ne soit pas récompensée à sa juste valeur.

« Tu vois un jeune qui se lève à 4 heures du matin, qui prend sa moto pour être livreur ou tiak tiak comme on dit au Sénégal, quand tu vois des jeunes avec des diplômes de master 2 ou avec un doctorat être manœuvre ou maçon ou plombier, ça m’attriste vraiment. Chaque année, il y a des milliers et des milliers de gens qui sortent avec la licence ou avec le master ou avec le doctorat », affirme-t-il.

Il y a quelques jours, le président Macky Sall a condamné les recrutements anarchiques qui obligent le ministère des finances à payer des salaires à des entités qui ont du personnel qui n’ont rien à voir avec leurs capacités. Un fait confirmé par Yves Nzalé, président de l’association Diplômés sans emplois. Pour lui, ces maux dénoncés par le chef de l’État ne se limitent plus à l’administration publique.
Un car rapide en circulation à Dakar, 29 août 2018.

« Je pense que l’aveu a été fait récemment avec le chef de l’État qui a été notre porte-parole sans pour autant qu’on l’ait choisi. L’anarchie dans l’accès aux emplois publics, comme privés, est devenu monnaie courante », d’après lui.

Il indexe par ailleurs une attitude dégradante envers les jeunes qualifiés en quête d’emplois.

« Aujourd’hui malheureusement il ne suffit plus d’avoir un diplôme, il ne suffit plus d’avoir une bonne formation mais il faudra avoir des liens de parenté ou des liens politico-politiciens pour pouvoir espérer avoir un emploi, c’est malheureux et c’est regrettable. Aujourd’hui c’est un sentiment de désespoir total qui anime la jeunesse sénégalaise », conclut-il.

Pour raviver la flamme de l’espoir au sein de la jeunesse, le chef de l’État Macky Sall avait annoncé 450 milliards sur 3 ans en réponse aux besoins des jeunes en termes de formation, d’emploi, de financement de projets et de soutien à l’entreprenariat et au secteur informel. Une mesure en cours d’exécution mais que les jeunes disent ressentir peu.