La séparation semble définitivement actée entre ‘’Yewwi Askan wi’’ et ‘’Taxawu Sénégal’’. Même si les deux entités politiques ne l’ont pas officialisé à travers une note, le courant ne passe plus entre Khalifa Sall, Ousmane Sonko et les autres leaders de la principale coalition de l’opposition. La raison ? Le dialogue national lancé par Macky Sall. Explications !
« Dialogue politique : Macky Sall va-t-il torpiller la coalition Yewwi Askan Wi ? », se demandait Seneweb, dans un article paru le 10 mai dernier, commentant l’accord de Khalifa Sall au dialogue et les clichés entre celui-ci, Barthélémy Dias et Macky Sall sur fond d’une accolade chaleureuse lors du Forum mondial sur l’économie sociale qui s’est tenu à Dakar. Aujourd’hui, tout porte à croire que le chef de l’Etat y est déjà arrivé. En effet, dans l’un de ses derniers communiqués, la coalition ‘’Yewwi Askan Wi’’ a clairement indiqué qu’elle n’entendait plus laisser Khalifa Sall, leader de ‘’Taxawu Sénégal’’, poursuivre les travaux du dialogue national, un acte qu’elle considère aux antipodes des règles qui régissent son fonctionnement. Mais si la coalition de l’opposition en a décidé ainsi, c’est parce que le président de la République, Macky Sall, avait remercié Khalifa Sall pour sa présence « en tant que membre de Yewwi Askan Wi ». Ce qui n’est pas du goût d’Ousmane Sonko & Cie qui ont vite réagi, précisant n’avoir aucun représentant dans ces concertations avant de mettre en garde le leader ‘’Taxawu Sénégal’’.
Dans ce texte, ils considéraient les participants à ses concertations comme un simple « groupe d’opportunistes politiques en quête de légitimité dans une guerre de positionnement et d’une dictature de la pensée unique ne saurait accepter ».
Pour dire donc que si cette position de ‘’Taxawu Sénégal’’ de répondre à la main tendue du chef de l’Etat a été clairement expliquée par son leader, cela n’a pas pour autant mis fin à la suspicion nourrie par les militants de Yewwi à l’endroit de l’ex maire de Dakar accusé de préparer un « deal » avec le Palais. Et les huées, dont il a été l’objet lors du meeting organisé par le F24 à la Place de la Nation, sont une preuve de ce désamour.
Mais ce n’est pas tout. Selon des informations obtenues par Seneweb, l’ancien maire de Dakar n’a pas été convoqué lors du dernier point de presse de la plus grande coalition de l’opposition. Khalifa Sall n’a pas, non plus, fait le déplacement chez Ousmane Sonko depuis que ce dernier est isolé à la Cité Keur Gorgui après l’interruption de sa « caravane de la liberté ».
Yewwi, un « tarikha », en « manque de charisme »
Interpellé sur la question, son conseiller politique, Moussa Taye, a dévoilé les raisons de l’absence du baron socialiste. « Le président Habib Sy est habilité à convoquer un leader en cas de réunion. Je l’ai entendu dire qu’il présentait les excuses de Madame Aïda Mbodj et de Ousmane Sonko. Mais Habib Sy n’a pas convoqué Khalifa Sall à la réunion. En tant que président de la conférence des leaders, il lui appartient de convoquer tous les leaders. Et s’il ne le fait pas, il manque à ses obligations », a-t-il expliqué sur la Rfm.
M. Taye a, par ailleurs, souligné que « le problème de Yewwi Askan Wi est un problème de management. C’est un manque de charisme pour diriger Yewwi Askan Wi. Habib Sy est devenu président parce qu’on a modifié la charte (de Yewwi). Initialement dans la charte, il était dit que seuls Taxawu, Pastef et Pur peuvent diriger la conférence des leaders. Il a fallu modifier la charte pour que Habib Sy soit président. Il a été choisi pour son âge, son expérience et son manque d’ambition par rapport à la présidentielle. Il n’est pas candidat à la présidentielle. Mais à l’arrivée, on se rend compte qu’il manque de charisme pour diriger Yewwi ».
Une posture confortée par Pape Konaré Diaite, conseiller en communication de l’actuel maire de Dakar, Barthélémy Dias, qui a maintes fois assimilé « Yewwi askan wi » à un « dahira » (association religieuse) ou « tarikha (confrérie)» en réponse aux différents communiqués de la coalition.
« Khalifa Sall n’a pas intérêt à se séparer de Yewwi… »
A notre, toutefois que même s’il a décidé de prendre part au dialogue, Khalifa Sall n’a jamais cessé de marteler qu’il reste dans l’opposition. Il a toujours manifesté un soutien indéfectible à Ousmane Sonko en dénonçant les “injustices” que subit le leader de Pastef et chef de l’opposition. Il a aussi dénoncé avec constance le troisième mandat de Macky Sall et se bat sans relâche pour des élections inclusives auxquelles non seulement lui mais aussi Karim Wade et Ousmane Sonko, entre autres, pourraient participer.
Il a également eu à plaider pour la libération de tous les détenus politiques du pays. D’ailleurs, il n’a pas manqué de souligner avec beaucoup de courage tous ces points lors de la cérémonie de lancement du dialogue national devant le chef de l’État. Ce faisant, il portait les principales doléances de Yewwi.
Qu’est-ce qui peut alors expliquer les divergences entre le socialiste et les autres membres de ladite coalition ? Selon un spécialiste des questions politiques consulté par « Le Témoin », l’ancien maire de la capitale sénégalaise joue sa survie politique.
« Il faut comprendre que Khalifa Sall est en train de jouer sa toute dernière carte pour avoir la chance de retrouver son éligibilité. Et cette chance qui est entre les mains du président de la République qui a appelé au dialogue, il ne doit pas la laisser passer. C’est pourquoi il fera tout pour la saisir. Le reste c’est après. Mais pour l’heure il faut qu’il se donne les moyens de réintégrer le jeu politique », a-t-il analysé. Selon l’expert, c’est sous ce prisme qu’il faut comprendre la décision de Khalifa Sall, de participer au dialogue, qu’il juge « logique, compréhensible et très réfléchie ».
Quoi qu’il en soit, les divergences qui l’opposent en ce moment aux autres composantes de cette coalition dont il est un des fondateurs ne seront pas sans conséquences. C’est du moins l’avis de l’analyste politique interrogé par nos confrères de « Le Témoin », qui estime que les choses se jouent à deux niveaux.
« Khalifa Sall n’a pas intérêt à se séparer de Yewwi puisque, tant qu’il reste dans cette coalition, il peut être vu comme un vrai opposant au pouvoir en place et gagner davantage l’estime des populations. Et au cas où il redeviendrait éligible, il pourrait agrandir sa famille politique par l’adhésion de tous ceux qui sont contre le pouvoir et qui voient en lui la constance, l’expérience, la politesse qui sont des valeurs dans notre pays », a expliqué le consultant.
Il précise, tout de même qu’en l’état actuel de la situation politique, tout leader qui est soupçonné d’être de connivence avec le régime peut le payer cher.