À rebrousse-poil : Nuisance sonore politique (Par Adama NDIAYE)

À rebrousse-poil : Nuisance sonore politique (Par Adama NDIAYE)

Déclaration de la Grande (sic) Coalition Gueum Sa Bopp, conférence de presse des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi, point de presse de la Conférence des Leaders de Benno Bok Yakaar…Depuis quelques semaines, et quasiment dans cet ordre, c’est à ça que se réduit la vie médiatico-politique sénégalaise. Une insupportable  logorrhée que la population, et les journalistes en première ligne, doivent boire jusqu’à la lie.  La classe politique sénégalaise semble avoir fait du radotage sa principale stratégie. Car la particularité de ces rendez-vous médiatiques c’est bien leur caractère routinier : on y ressasse sans se lasser les mêmes attaques, souvent ad hominem, les mêmes formules creuses, les mêmes traits d’humour qui font souvent pschitt, les mêmes pseudo argumentations juridico-politiques, et tout cela en affichant à l’écran des mines patibulaires, la bave aux lèvres,  pour bien signifier au camp adverse qu’on est prêt à en découdre.

Ce (mauvais) spectacle, puisque c’est de cela qu’il s’agit, amuse une certaine catégorie de la population qui se gave de punchlines politiques sur Youtube ou TikTok. Mais les observateurs avertis se rendent bien compte du déclin irréversible de la vie politique au Sénégal.

Ce déclin se manifeste principalement par le langage. Un style sans élégance, sans fulgurance, dénué de corpus idéologique. Un verbiage terre-à-terre, basiquement terre-à-terre, bruyamment terre-à-terre où le sens commun rivalise avec les idées reçues.  Ne saute-t-il pas aux yeux de tout le monde que les hommes politiques, à quelques exceptions près, parlent quasiment le même langage ? Les expressions “cette forfaiture ne passera pas”, “nous leur ferons face sur le terrain”, “nous serons les boucliers de…”, “il faut que ça cesse”, “nous ne l’accepterons pas…” reviennent en boucle.

Par quel mauvais tour du destin, est-on passé de Senghor, Cheikh Anta Diop, Cheikh Hamidou Kane, Maimouna Kane, Ndioro Ndiaye à Me El Hadji Diouf, Barthélémy Dias, Khadija Mahecor Diouf ou Thérèse Faye ?

La presse a une grande part de responsabilité dans ce délitement. Pour faire de l’audience et du buzz, comme on dit désormais, on a mis au devant de la scène des gens qui ont le verbe haut, les forts en gueule, plutôt que les hommes et femmes politiques, un peu moins extravertis, mais dotés d’une certaine capacité d’analyse et qui ont réellement des solutions aux problèmes quotidiens des Sénégalais.  Ils  existent, mais sont noyés par le bruit et la fureur ceux qui n’ont que l’invective, la menace et le chantage à la bouche et que nous avons largement contribué à promouvoir

Nous avons préféré les querelles dérisoires entre personnes à la bataille des idées, le bon mot à l’argumentation.  Au fond, les hommes politiques ne font que suivre la tendance impulsée  par la presse : le clash, le petit extrait explosif  qu’on se partage sur les différents réseaux sociaux.

Dans le contexte actuel, cela constitue un écran de fumée idéal pour masquer ses propres limites. Car ce que cette interminable séquence de polémique sur les listes a surtout mis en lumière c’est la méconnaissance par les hommes politiques des règles électorales en vigueur au Sénégal.

Et ça toutes les marches, toutes les manifestations, toutes les arguties et toutes les combines ne pourront la masquer.