Si le président Macky Sall et certains responsables de Benno Bokk Yaakaar (Bby) préfèrent voir le verre à moitié plein, Abou Abel Thiam, lui, plonge dans l’analyse lucide des résultats des élections locales du 23 janvier 2022.
Selon lui, les scores de l’opposition sont à «prendre au sérieux» et éviter la lecture simpliste selon laquelle Benno a perdu là où elle n’a jamais gagné.
Dans un entretien accordé au quotidien « Bés bi » (le jour), le président du Collège de l’Artp déclare : «L’Apr, mon parti, navire amiral de la coalition Benno Bokk Yaakaar, a pâti de sa non-structuration, laquelle nous a fait perdre électoralement des localités qui sont pourtant politiquement toujours favorables au pouvoir.»
«Compte tenu du contexte, ces élections se sont déroulées comme les primaires que l’Apr n’a jamais eu à organiser. Trop de responsables qui se tracent une carrière politique se sont dit que c’est l’occasion ou jamais de se peser, d’où les nombreuses listes parallèles qui ont atteint un nombre jamais connu par un parti au pouvoir», analyse-t-il.
La sortie du président Macky Sall sur ce sujet (les listes parallèles), selon Abou Abel, «n’a point aidé, constituant même un adjuvant pour la démultiplication de ces listes parallèles». Résultat des courses : «Sans jeu de mots, notre coalition a perdu, en zone urbaine, je souligne, beaucoup de localités où les listes parallèles se sont neutralisées au profit de celle de l’opposition.»
Ce qui, d’après lui, «n’enlève en rien au mérite de cette opposition qui a su engranger suffisamment de suffrages dans ces cas-là, pour gagner dans ces conditions. Il ne faut pas occulter, toujours au chapitre des éléments d’analyse, l’impact des réseaux sociaux. Les opinions, pour une grande partie, sont façonnées maintenant par les éditoriaux à 280 caractères, si ce ne sont des raccourcis et approximations à longueur de posts sur Facebook».
«Il y a eu des erreurs manifestent de casting»
Le journaliste d’ajouter que «dans un pays où des gens peuvent croire Kounkandé capable de se faire obéir de l’océan ou gober l’existence de riz en plastique, un pays où des personnes peuvent se faire tuer parce qu’accusés d’être des rétrécisseurs de sexe, les choses les plus improbables trouvent crédit auprès d’esprits manipulés et rendus poreux à toutes sortes d’histoires. Lorsque cette manipulation se fait dans un contexte de difficultés sociales, dans des zones urbaines en proie aux affres de la Covid et des restrictions que son combat commande, tout ce qui relève ou personnalise le pouvoir devient un ennemi à combattre».
«Tout ceci mis bout à bout, en plus d’erreurs manifestes de casting, de choix politiques contestables par endroits du président Macky Sall, a fait que notre coalition a échoué à conquérir des bastions qui n’étaient pas dans notre escarcelle, comme Dakar et Ziguinchor», souligne-t-il.
Cependant, ajoute Abou Abel, «la bonne appréciation par la majorité de nos concitoyens des réalisations du président Sall, son coefficient personnel et les efforts de nos candidats ont permis, en dépit de tout cela, de préserver notre majorité, d’engranger autant de suffrages».
«La bonne analyse, c’est de se dire qu’en dépit de tout cela, l’opposition emporte, ou reste avec moins d’un cinquième des suffrages. Cela ne voulant pas dire, pour autant, qu’il ne faille pas prendre au sérieux les résultats de l’opposition», met-il en garde.