[Focus] Foot : Pourquoi le Sénégal gagne
L’équipe du Sénégal U20 joue, ce jeudi, un quart de finale de Coupe d’Afrique des Nations et une probable qualification à la coupe du monde, en cas de succès contre le Bénin. Au-delà, les joueurs de Malick Daf auront à cœur de perpétuer la belle dynamique du football sénégalais en sélections avec les récents titres en Coupe d’Afrique des Nations, et en Championnat d’Afrique des Nations (Chan) sans oublier la qualification des hommes d’Aliou Cissé à la Coupe du monde, et une place de huitième de finaliste à la clé.
Cette belle séquence du football sénégalais, qui avait connu une traversée du désert malgré des générations dorées, n’est pas un hasard. Des spécialistes dévoilent le plan de jeu du Sénégal synonyme de cycle des victoires.
Période faste pour le football sénégalais, depuis 2022, après des années de disette et de désillusion mémorable. Révolu le temps où l’on se moquait du Sénégal comme une nation de loser du ballon rond.
Après la Coupe d’Afrique des nations (CAN) remportée devant l’Égypte le 6 février 2022, le Sénégal a soulevé le trophée du Championnat d’Afrique des nations (Chan) réservé aux joueurs locaux, le 5 février dernier. Last but not least : la qualification à la Coupe du Monde de football et un huitième de finale disputé contre l’Angleterre (0-3). On peut citer, aussi, la catégorie U17 qui s’est qualifiée à la Coupe d’Afrique. Les équipes nationales s’invitent, régulièrement, au banquet du football africain.
Le pari gagnant de la formation
Ces performances sont le fruit d’un travail d’une dizaine d’années. C’est l’avis du Directeur Technique National, Mayacine Mar. « C’est un travail qui remonte depuis le premier mandat de Augustin Senghor (Président de la Fédération Sénégalaise de Football). Avec le plan stratégique, on a mis en place beaucoup de choses en commençant d’abord par la formation des entraîneurs », analyse le technicien. Le Sénégal a compris que pour avoir de bons joueurs, il faut d’abord disposer de bons entraîneurs. « C’est pourquoi, on a misé sur la formation pour avoir d’excellents entraîneurs, dans nos clubs et en équipe nationale », glisse Mayacine Mar.
Cette analyse est partagée par Talla Fall, chargé de la communication et du marketing de Génération Foot, club qui a formé des joueurs comme Sadio Mané, Ismaila Sarr, Pape Matar Sarr. « Je pense que le principal facteur qui a aidé nos équipes nationales à progresser, c’est la formation, estime-t-il. Si vous regardez l’ensemble de l’équipe nationale A, ce sont des jeunes qui ont été plus ou moins formés au Sénégal ou en Europe. Certains ont commencé une bonne formation au Sénégal avant d’évoluer dans des équipes de championnats européens. Nous pouvons citer Sadio Mané, Pape Matar Sarr, Idrissa Gana Guèye… C’est dans la formation qu’on peut au moins espérer avoir des résultats”.
Babacar Ndaw Faye : “Une fois qu’on entame un cycle victorieux, il est plus facile d’enchaîner les succès”
A côté de la formation, le journaliste, Babacar Ndaw Faye, chef du service Sports du groupe E-Media, évoque l’esprit d’équipe construit au fil des années autour de l’équipe A de Football.
« Chez les A, on a eu une génération exceptionnelle qui a eu le temps de mûrir avec un même entraîneur et un noyau qui est là depuis 2012, un groupe qui a appris de ses échecs et qui a récolté les fruits de sa stabilité. Il y a aussi le fait de pouvoir compter sur un joueur exceptionnel (Sadio Mané) par le talent, la mentalité et l’ambition. Mais aussi lui-même qui a pu compter sur des lieutenants de très haut niveau », commente le journaliste sportif.
Comme Mayacine Mar et Talla Fall, il reconnaît que les académies ont joué un rôle de premier plan dans la formation des jeunes talents. « On a eu la chance de pouvoir compter sur les produits d’académies de formation qui nous ont sorti beaucoup de jeunes joueurs de qualité ces dernières années, observe-t-il. L’autre aspect qui me semble non négligeable, c’est que le football aussi est fait de cycles. Une fois qu’on entame un cycle victorieux, il est plus facile d’enchaîner les succès ».
La Fédération a-t-elle joué un rôle déterminant ?
Et le rôle de Fédération Sénégalaise de Football dans ces succès ? Talla Fall, de Génération Foot, ne sous-estime pas l’apport de l’instance dirigeante du football sénégalais, mais considère qu’elle doit encore mettre des moyens supplémentaires pour pérenniser les succès. « La Fédération joue un rôle important en matière de préparation. Ils ont permis aux sélectionneurs de disposer des moyens indispensables pour se frotter aux meilleurs sur le continent. C’est quelque chose qu’il faut saluer mais non ça ne suffit pas, considère-t-il. Il faudra beaucoup investir sur les centres de formation favorables au travail des entraîneurs ».
Un retour sur investissement
En termes d’investissements, le Sénégal a fait beaucoup d’efforts, juge pour sa part Mayacine Mar qui estime que “ses victoires sont assimilables à un retour sur investissements”. Le DTN fonde son argumentaire sur les ressources financières utilisées pour construire les centres de formation de Gueréo et Toubab Dialaw. « Ils constituent véritablement des lieux qui offrent des conditions optimales de formation des jeunes. Ces résultats sont le fruit d’un dur travail avec des compétitions de jeunes qu’on a multipliées au niveau des clubs. Nous avons une philosophie très claire. C’est un travail bien réfléchi par la Direction technique et qui est validé par le comité qui nous accompagne », souligne le DTN.
La dynamique des victoires
Être au sommet, c’est bien, mais c’est encore mieux de s’y maintenir. Et c’est désormais le principal défi du football sénégalais. Babacar Ndaw Faye conseille aux responsables de la Fédération de football de jouer sur tous les fronts. « Il faudrait faire en sorte que le cycle dure le plus longtemps possible. Et, c’est un travail à mener sur toute la chaîne. Mais comme tous les cycles, celui-ci va un jour prendre fin. Il faut tout faire pour retarder ce jour. C’est pour cela qu’il faut poser des bases solides afin que la période creuse ne dure pas longtemps avant un autre cycle victorieux », recommande-t-il.
“Le Sénégal a les moyens de rester dans la dynamique des victoires. Il suffit juste de continuer à travailler davantage”, renchérit Mayacine Mar. Alors que pour Talla Fall, la consolidation des acquis passe par la poursuite des investissements dans la préparation, la formation des jeunes à partir de 10 ans, 15 ou 19. « Le Sénégal a compris à un moment donné, qu’il fallait au moins former pour pouvoir être en mesure de rivaliser avec les autres continents », dit-il.