Révoquer (encore) le maire de Dakar ! Cette phrase de Macky Sall indique qu’il n’a pas encore baissé les armes au sujet de Dakar, malgré toutes les campagnes de conquêtes soldées par un échec.
« Un maire ne peut pas faire ce qu’il veut. Il est soumis aux exigences de la loi et du règlement sinon il est révoqué. Tout recrutement en dehors de l’organigramme mis en place est nul est de nul effet ». La menace émane du chef de l’Etat, Macky Sall, suite au recrutement jugé illégal du Guy Marius Sagna et du capitaine Touré par Barthélémy Dias, le maire de Dakar, membre de l’opposition.
Une menace qui rappelle forcément le sort qui a été réservé à son mentor Khalifa Sall, ancien maire de Dakar révoqué par ce même Macky Sall, après avoir été condamné à 5 ans de prison dans un dossier qualifié de politique par une bonne partie de l’opinion à quelques mois de la présidentielle de 2019.
Cette relation partie pour être difficile entre Macky Sall et Barthélémy Dias n’est en rien une première. En effet, depuis son accession au palais, Macky Sall qui convoite la mairie de Dakar sans succès à toujours eu des relations difficiles avec le maire de Dakar.
Avant l’arrivée de Dias fils, c’est Soham Wardini qui a connu les derniers coups du régime. En 2021 (août, septembre), le maire du Dakar-Plateau et l’ex-mairesse de la Ville de Dakar ont occupé les devants de l’actualité. Au centre de la bataille entre Alioune Ndoye et Soham Wardini, l’ancienne bâtisse du marché Sandaga démolie aujourd’hui par Ndoye, accusé de crime contre un patrimoine historique.
Mais avant les questions culturelles et architecturales, il y a surtout celle politique. En effet, cette guéguerre était la énième entre les tenants du pouvoir et la coalition Taxawu Dakar, dirigée par Khalifa Sall.
Alioune Ndoye menait un combat par procuration, celui de Macky Sall qui confirme son obsession pour la Ville de Dakar. En effet, cette bataille n’est pas sans rappeler une autre opposant Khalifa Sall à l’ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire Diène Farba Sarr au sujet de la Place de l’indépendance, A l’époque, le socialiste Alioune Ndoye était avec Khalifa Sall et dénonçait même le silence de l’Ams dirigée par Aliou Sall, frère de Macky Sall.
Aminata Touré, Amadou Ba, Oumar Guèye, Oumar Youm, Abdoulaye Diouf Darr, Diène Farba Sarr, Alioune Ndoye…
En vérité, depuis son arrivée au pouvoir, le patron de l’Apr, a utilisé tous les moyens politiques, financiers, judiciaires et administratifs que lui offre l’appareil d’Etat pour récupérer la municipalité des mains de l’opposition. D’abord sur le plan politique.
Lorsque Khalifa Sall a refusé de céder la Ville de Dakar, comme Gakou l’a fait à Guédiawaye au profit de Aliou Sall, la coalition au pouvoir a mis en selle Aminata Touré au sommet de sa puissance en tant que Premier ministre. Le tout sur fond de jeu trouble du Parti socialiste.
Malgré tous les moyens financiers et la logistique déployés aux Locales de 2014, la forteresse de Taxawu Dakar n’a pas cédé. De même qu’elle n’a pas cédé en 2022 face à Abdoulaye Diouf Sarr et Cie. A défaut de récupérer la Ville, Macky Sall décide d’empêcher Khalifa Sall de mener à bien le mandat que lui a confié le peuple.
Le pouvoir va lancer une nouvelle offensive pour faire transhumer les maires, un à un, au point de réduire la coalition à sa plus simple expression. Alioune Ndoye, Jean Baptiste Diouf, Moussa Sy, Santi Agne, Banda Diop, Ousmane Ndoye, Mame Amadou Samba sont tous passés à la majorité présidentielle. Cette même opération de recrutement est d’ailleurs reconduite contre la coalition Yewwi Askan qui a comme tête de pont Ousmane Sonko et Khalifa Sall.
Acte 3, suppression patente, emprunt obligataire, suppression de la ville…
Avec 16 communes sur 19 à l’issue des Locales de 2014, Khalifa ne contrôlait que 6 ou 7 municipalités en 2021. Et encore ! Du côté des transhumants, la récompense intervient à coup de nominations dans un gouvernement (Ndoye) ou au poste de Pca (Sy).
Ensuite sur le plan financier. La première leçon tirée par le pouvoir est que Khalifa Sall doit sa popularité à son courage face aux marchands tabliers et ambulants, mais surtout la transformation du visage de Dakar par le biais des pavages. Il faut donc le priver de moyens pour stopper le programme.
Ainsi lorsque le maire de Dakar a voulu, en 2015, lever 20 milliards F Cfa par le biais d’un emprunt obligataire pour ses projets, Amadou Ba, puissant ministre de l’Economie et des Finances de Macky Sall, s’y est opposé.
« Cet emprunt comportait un risque pour le trésor public », déclarait l’ancien argentier de l’Etat, tombé en disgrâce. Amadou Ba dit avoir proposé un accompagnement à Khalifa Sall qui a décliné. Là également, le recours à la Cour suprême n’a servi à rien
Dakar, Niamey, N’djamena (plusieurs fois), Cotonou, Antananarivo, Mogadicio…
L’acte 3 de la décentralisation, initié en 2013, va se charger du reste. Les 19 communes de Dakar se voient distribuer les prérogatives et ressources de la Ville (suppression patente) par un président qui, paradoxalement, prône la création de pôles de développement dans toutes les régions du pays.
Ce qui a pour conséquence de dépouiller Dakar qui ‘’devient une coquille vide’’. « C’est désolant de constater qu’au moment où beaucoup de pays prônent la métropolisation, notre pays opte pour un autre modèle de gouvernance », regrettait Khalifa Sall.
Le régime de Macky Sall a même agité l’idée de suppression de la ville dans la bouche du ministre des Collectivités locales, Oumar Guèye. « La ville n’a pas sa raison d’être et s’il n’y a plus de ville, il n’y aura plus de maire de ville», avait déclaré le porte-parole du gouvernement. Difficile de ne pas penser encore à Khalifa Sall, même si ce dernier n’est plus le maire.
A défaut d’être maître de la capitale, le pouvoir s’emploie sans cesse à ne laisser aucun opposant la diriger. Après tout, cette pratique n’est pas une invention de Macky Sall. Dakar, Niamey, N’djamena (plusieurs fois), Cotonou, Antananarivo, Mogadicio… sont autant de capitales africaines dont les maires ont été destitués, certains jetés en prison.